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Le Magnificat

Publié le 28 juin 2018 dans Non classé

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La prière de Marie s’inspire de l’ancien cantique d’Anne, mère de Samuel (1S 2,1-10). On peut lire dans son hymne de louange les mêmes traits du Dieu qui renverse les valeurs en se souciant des petits. Marie, avec Élisabeth, Zacharie, Syméon et la prophétesse Anne, représente les petits et les abaissés de l’AT, qui mettent en Dieu leur espoir.

Le Magnificat

Chanter l’histoire du salut de Dieu — méditation pour l’été


Le Magnificat

46 Marie dit alors :

 “Mon âme glorifie le Seigneur,

47 mon esprit exulte en Dieu,

mon Sauveur !

48 Il a regardé l’abaissement

de sa servante.

Désormais tous les âges me diront

bienheureuse.

49 Le Puissant a fait pour moi de grandes choses. Saint est son nom !

50 Sa compassion s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

51 Par la force de son bras, il disperse les orgueilleux.

52 Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les abaissés.

53 Il comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

54 Il relève Israël son serviteur, il se souvient de sa compassion,

55 comme il l’avait dit à nos pères,

en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais”.

Un peu de vocabulaire


Abaissement : Traduire “humble servante” (v. 48) suggère la vertu d’humilité, comme en Mt 11,29 ; Ac 20,19. Mais le mot grec ici désigne la situation humble, humiliée, abaissée. Même mot : Ac 8,33 ; Ph 3,21.

Magnificat : le verbe latin souvent traduit ‘exalter’, ici ‘glorifier’.

B) Explorer le texte d’Évangile

On peut observer ce que Marie dit de sa propre expérience de Dieu, et voir comment elle insère son histoire dans la grande histoire du salut.

Repérer tout ce qui est dit de Dieu : comment il est qualifié,

et comment il agit.

Peut-on penser à des récits qui montrent que Jésus a parlé et agi à la manière de Dieu ?

D) Éclairer mon cheminement spirituel

Le “Cantique de Marie” peut-il être “mon Cantique” ?

– mes expériences qui me donnent envie de rendre gloire à Dieu

– mes passages de ‘abaissé’ à ‘relevé’ qui me donnent confiance en Lui

– ma conviction d’appartenir à la grande histoire biblique du salut

– mes espérances pour une société plus juste et un monde meilleur, où

   je discerne les signes de Dieu à l’oeuvre

Puis-je ajouter 2 ou 3 lignes personnelles à ce Cantique ?

Pour aller plus loin…


Marie prononce ici le premier des quatre cantiques de Lc 1—2. Dans le style de la psalmodie juive du 1er siècle, Lc offre une belle mosaïque de textes du Premier Testament, qu’il puise dans la traduction grecque des Septante (LXX) ; il le fait souvent. Les passages qui utilisent les mêmes mots ont été mis en italique. (Voir page suivante ces textes de l’AT)

Marie, désignée mère du Messie par Élisabeth, désigne au lecteur le Dieu qui la comble de joie. Elle nous est présentée comme modèle de croyante (Lc 1,45 ; 11,27), qui enracine son expérience spirituelle dans la grande histoire du salut. Ce thème est cher à Lc, qui utilise beaucoup plus que les autres les mots ‘salut’, ‘sauver’ et ‘sauveur’ [1].

La prière de Marie s’inspire de l’ancien cantique d’Anne, mère de Samuel (1S 2,1-10). On peut lire dans son hymne de louange les mêmes traits du Dieu qui renverse les valeurs en se souciant des petits. Marie, avec Élisabeth, Zacharie, Syméon et la prophétesse Anne, représente les petits et les abaissés de l’AT, qui mettent en Dieu leur espoir. Le cantique aligne les couples de figures opposées : orgueilleux/humiliés, élevés/abaissés, affamés/riches. Le renversement de situations opéré par Dieu est une caractéristique majeure du salut chez Lc. Ce rappel de l’agir de Dieu dans l’histoire d’Israël annonce des traits de la mission de Jésus : il proclamera les mêmes renversements de valeurs, entre autres dans les béatitudes (6,20-26), ses enseignements sur l’argent et sa remarque, à la Cène, sur l’opposition puissants/serviteur. La figure des orgueilleux, riches, et dominateurs représente un ordre du monde qui fonctionne à l’opposé du Règne de Dieu. Le Dieu sauveur a le souci prioritaire de rendre justice aux humiliés, aux écrasés de ce monde [2]. Jésus se fera donc proche des petits, des gens méprisés et des femmes. Ce bouleversement des valeurs caractérise le passage de ce monde-ci au monde nouveau.

Pour prier comme Marie, en se laissant porter par  les mots des premiers croyants, voici un collage des expressions de l’AT (version de la LXX) reprises dans le Magnificat, parfois avec un peu de contexte :

Je me réjouirai en Yahvé, j’exulterai en Dieu mon Sauveur ! (Ha 3,18) Seigneur tout-puissant, si tu veux regarder l’abaissement de ta servante (1S 1,11). Les nations vous diront bienheureux, car vous serez une terre de délices (Mal 3,12). Il délivre son peuple, il déclare pour toujours son alliance : Saint et redoutable est son nom ! (Ps 111,9) La compassion de Yahvé s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent (Ps 103,17). Tu abaisses ceux qui s’élèvent (2S 22,28). Il renverse les puissants ; Il élève les humiliés (Job 12,19 ; 5,11). Le Seigneur a renversé le trône des puissants et fait asseoir les doux à leur place (Sir 10,14). L’âme affamée, il l’a comblée de biens (Ps 107,9). Israël, mon serviteur, race d’Abraham mon ami, je t’ai relevé (Is 41,8-9). Il se souvient de sa compassion et de sa fidélité envers la maison d’Israël (Ps 98,3). Accorde à Abraham ta grâce, comme tu l’as dit à nos pères aux jours d’antan (Mi 7,20).

On peut aussi lire à haute voix et méditer deux autres beaux cantiques que Lc a inséré dans cette longue introduction à son Évangile. Celui de Zacharie exprime confiance et reconnaissance envers le Dieu fidèle à son Alliance, et annonce le Messie, “Astre d’en haut” qui nous éclaire dans l’ombre de la mort (1,67-79). Celui de Syméon ouvre sur l’universalité du salut en Jésus, qui deviendra “lumière pour les nations” (2,25-32).

[1]– Parfois traduits autrement. Voir entre autres 1,47 ; 1,69 ; 1,71 ; 1,77 ; 2,11 ; 2,30 ; 3,6 ; 6,9 ; 7,50 ; 8,12 ; 8,50 ; 13,23 ; 17,19 ; 19,9-10.

[2]– Un penseur français de droite appréciait que l’hymne soit chanté en latin pour “purger l’Église du venin du Magnificat”. Et sous la dictature militaire en Argentine dans les années 70, la commission épiscopale de liturgie a purement et simplement coupé le v. 52a.

(Source : H. Cousin, L’Évangile de Luc, Centurion/Novalis, 1993, p. 32).