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Jésus au temple à 12 ans

Publié le 8 octobre 2017 dans Non classé

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Tout parent comprend l’inquiétude des parents. Et tout ado reconnaît son besoin d’autonomie, de rupture avec ses parents pour devenir soi-même. Pourtant, la psychologie n’intéresse pas les auteurs de l’Antiquité. Les récits d’enfance de l’époque visent plutôt à annoncer l’adulte qu’un enfant est devenu. Lc est un auteur de son temps.

Jésus au temple

Jésus au Temple à 12 ans  (Lc 2,41-52)


(Fin du récit de la présentation de Jésus bébé au Temple :

39 Après qu’ils eurent tout accompli selon la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. 40 Or l’enfant grandissait et se fortifiait, se remplissant de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.)

41 Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque. 42 Quand il eut douze ans, ils y montèrent suivant la coutume de la fête.

43 À la fin des jours de fête, comme ils s’en retournaient, l’enfant Jésus resta à Jérusalem sans que ses parents s’en aperçoivent.

44 Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances.

45 Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant.

46 C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs de la Loi, à les écouter et les interroger. 47 Tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses.

48 En le voyant, ils furent frappés d’étonnement et sa mère lui dit : “Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois, ton père et moi, nous te cherchions tout angoissés.”

49 Il leur dit : “Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux choses de mon Père ?” 50 Mais eux ne comprirent pas ce qu’il leur disait.

51 Puis il descendit avec eux et vint à Nazareth ; et il leur était soumis. Et sa mère gardait tous ces événements dans son coeur.

52 Or Jésus progressait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes.

 

Un peu de vocabulaire

La fête de la Pâque est l’une des trois grandes fêtes de pèlerinage à Jérusalem. Tous les pèlerins d’un village voyagent ensemble, en groupes séparés : femmes et enfants d’une part, hommes d’autre part.

Les docteurs de la Loi : les spécialistes de la Torah (Loi de Moïse), aussi appelés les scribes. Ils l’enseignent et l’expliquent aux gens.

  1. A) Se situer dans le récit (réflexion personnelle, sans échange)

Penser à l’expérience de perdre de vue un enfant dans un lieu public, ou de s’inquiéter parce qu’on ignore où est passé notre adolescent.

OU Ai-je déjà eu l’impression de perdre mes images familière de Dieu ? 

  1. B) Explorer le récit d’Évangile

– Que penser de l’expérience de Marie et Joseph dans ce récit ?

– Dans le bref dialogue, constater 2 difficultés de communication :

     – la question de Marie ne porte pas sur Jésus mais sur leur vécu à eux

     – la réponse de Jésus n’est pas celle d’un adolescent idéal

– Le Jésus qui revient avec eux est-il le même qu’avant, pour eux ?

– Comment pensez-vous qu’un adolescent comprendrait ce récit ?

  1. C) Éclairer ma vie à la lumière de l’Évangile

– Comment puis-je éclairer ma propre expérience de parent à la lumière de ce récit ?

  1. D) Éclairer mon cheminement spirituel

Le récit (et le v. 39 juste avant) présente Marie et Joseph comme d’excellents croyants et pratiquants. Pourtant, ils découvrent que Jésus échappe à l’image qu’ils avaient de lui.

Nous arrive-t-il de vivre des événements qui nous amènent à nous déplacer ainsi ? À chercher un visage de Dieu ou de Jésus qui nous est familier ?  À découvrir qu’il nous faut changer nos manières de le voir ?

 

Pour aller plus loin — Jésus au Temple à 12 ans  (Lc 2,41-52)


Tout parent comprend l’inquiétude des parents. Et tout ado reconnaît son besoin d’autonomie, de rupture avec ses parents pour devenir soi-même. Pourtant, la psychologie n’intéresse pas les auteurs de l’Antiquité. Les récits d’enfance de l’époque visent plutôt à annoncer l’adulte qu’un enfant est devenu. Lc est un auteur de son temps.

À 12 ans Jésus peut suivre la caravane avec Joseph et les hommes, ou avec Marie, les femmes et les enfants. Le soir venu, l’absence de Jésus les force à quitter la sécurité du groupe. Dans les Évangiles, les trois jours rappellent indirectement la mort—résurrection de Jésus. Le temps de l’entre-deux, de la perte, du deuil.

La question de Marie n’est pas orientée vers Jésus, comme “Que fais-tu ici ? Pourquoi es-tu resté ?” Habitée par son angoisse, elle formule un reproche : “Mon enfant, pourquoi NOUS as-tu fait cela ?” Et parmi les nombreux mots grecs qui désignent les enfants, Lc choisit ici le mot “engendré”. Ce mot n’a rien à voir avec l’âge mais désigne l’origine : on parle ainsi des enfants d’Abraham (i.e. Israël), des enfants de Dieu, etc. Lc fait donc porter le poids de la parole de Marie sur la relation d’engendrement, d’appartenance. On pourrait traduire “mon enfanté”. Une parole qui, d’une certaine manière, ‘capture’ Jésus, une parole de parent qui définit l’identité de l’enfant par ses liens familiaux, ce qui était bien le cas en monde juif.

Il y a une certaine dureté dans la réponse de Jésus. Non pas “désolé, maman, j’ai oublié de te prévenir”. Mais plutôt : “Pourquoi me cherchiez-vous ? Vous ne saviez pas… ?” Lc ne propose pas un modèle d’adolescent mais évoque l’identité de Jésus adulte, définie non par sa famille mais par sa relation avec Dieu. La réponse de Jésus exprime une rupture. Marie et Joseph ne retrouvent pas ‘leur’ Jésus. On entend déjà ici sa parole future : “Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique” (8,21). La liturgie choisit ce récit pour le dimanche de la Sainte famille ; ce qui nous invite à penser la famille élargie, non limitée à celle des liens du sang.

Lc utilise ce récit pour évoquer la mission de Jésus. Sa première parole appelle Dieu ‘Père’, comme sa dernière parole en croix : ‘Père, entre tes mains je remets mon esprit’. La première initiative de Jésus est à Jérusalem, le lieu des apparitions et de la Pentecôte. Lc signale l’intelligence du jeune Jésus, qui écoute et pose des questions. Les gens sont étonnés par ses réponses (et non ‘extasiés’ comme on traduit souvent). Sa manière de penser surprend et dérange ; adulte, son enseignement provoquera bien plus la controverse que l’admiration. Le prophète Syméon l’annonçait juste avant ce récit (2,34).

Lc souligne l’étonnement de Marie et Joseph. On pense qu’ils savaient tout ? Ils ne comprennent même pas la réponse de Jésus ! Ces bons pratiquants ont bien accompli les rites de la Pâque, mais contraints de quitter la route familière, ils sont perdus. Ça peut arriver à tout le monde, non ? Savoir ce qu’on appris comme une information est une chose. Mais comprendre la réalité de l’intérieur, c’est autre chose.

Lc fait plusieurs liens avec les récits de Pâques, en plus des ‘trois jours’. La question ‘pourquoi me cherchiez-vous ?’ rappelle l’ange au tombeau : ‘pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?’ Le chemin d’aller-retour des parents, vécu dans le désarroi, évoque celui d’Emmaüs : les disciples aussi ont perdu ‘leur’ Jésus. L’idée qu’ils se font de lui les empêche de le reconnaître. Marie et Joseph ne comprennent pas la réponse de Jésus. Aux disciples, le Ressuscité devra tout expliquer. Marie garde ces événements dans son coeur. Sur le chemin d’Emmaüs, le coeur est le lieu du vrai cheminement, il devient ‘tout brûlant’ à mesure qu’ils avancent. Finalement, comme les parents, les disciples devront renoncer à leur ancienne relation avec Jésus pour apprendre à vivre sa présence autrement, dans le partage de la Parole et du Pain.

Dans la foi, ce que l’on ‘sait’ n’est jamais vraiment acquis, selon Lc. C’est pourquoi le thème du chemin est si important dans son livre. Comme Marie et Joseph, nous attendons Dieu à partir de notre expérience et de nos images de lui. Mais voilà qu’il n’est plus avec nous comme on l’imaginait. Il surgit ailleurs. Il nous étonne, il nous sort de nos routines de bons pratiquants et de nos savoirs figés. Il n’aura jamais fini de nous ‘dérouter’, de nous amener hors des sentiers battus, que l’on suit en caravane, par habitude. Ce récit invite à nous risquer sur d’autres routes pour continuer à le chercher.